"Power to the people". Deux experts en marketing, Yves Gougoux et Pascal Beucler, respectivement président et vice président de Publicis* Canada et de Publicis Consultants Worldwide ont évoqué ces paroles d'une chanson de John Lennon parler du réseautage social et de la prise en charge par les individus des outils de communication et d'information. Composée dans le sillage des révoltes estudiantines de mai 68, la chanson revendiquait alors en ces mots le pouvoir au citoyen: «Power to the people, power to the people right now». Constat: le client est plus que jamais roi.
Dans cet article, les auteurs décrivent comment l'univers du marketing et le métier de communicateur et de publicitaires ont été changé depuis la dernière décennie sous l'impact des outils du web 2.0. Il ressort, que dans le domaine de la communication et du marketing, le client, devenu créateur est plus que jamais roi. Les boites de communication et de marketing ne se battent plus entre elles, elles sont en compétition directe avec leurs propres ou leurs potentiels clients qui, avec les outils somme Facebook, Myspace, Youtube, Wikipedia disposent maintenant de leurs propres réseaux et occupent de plus en plus l'espace de la communication sociale. Tout cela dans un écosystème comptant déjà des géants ou prédateurs comme Google ou MSN qui continuent à imposer leur loi sur la planète virtuelle, alors que des joueurs plus récents Digg, Flickr, Izimi commencent à entrer dans la danse de compétition. Face à un tel environnement, les marketeurs, les communicateurs ...et les professionnels de l'information n'ont plus le choix et ne peuvent plus travailler du haut de leur tour d'ivoire. Forcés à reprendre contact avec leurs clients et usagers, ils doivent désormais changer leur façon de créer et d'agir. Au coeur de la nouvelle stratégie du monde du marketing, pour survivre, deux mots-clés ont fait leur apparition: appropriation et prise en charge.
Face aux nouveaux comportements des consommateurs ou des usagers, les modèles classiques ne représentent plus d'attrait, les agences de publicité, comme les autres organisations et les institutions doivent revoir leur façon de faire. Avec les outils du WEB 2.0,le «citoyen numérique» est non seulement plus exigeant, plus rigoureux, mieux informé, il est aussi plus enclin à prendre en charge et s'approprier des contenus. Désormais prestataires de service et utilisateurs sont des partenaires qui participent ensemble à la "co-création" par la «cogénération d'idées».
Le nouveau citoyen "numérique" créé son contenu, il le produit, il le traite, il le diffuse, il le partage. Que ce soit dans le monde de l'information, de la communication, de la recherche, de l'enseignement, dans l'écosystème numérique, la prise de parole et du pouvoir est maintenant dans le camp du consommateur, du client, de l'usager, du payeur de taxe, du citoyen tout court. Que cela plaise ou non, «imposer par le haut» ne fonctionne plus. Dans ce monde de consommation qui est le nôtre, le citoyen choisit et veut qu'on lui propose des services qu'il peut moduler à sa façon.
Les bibliothèques: des outils pour créer et l'audace de créer
Les organisations doivent donc se transformer, à défaut, l'usager s'en va ailleurs. Dans les bibliothèques, certaines, sont en alerte. Les usagers réclament la mise en place des outils et des services qui leur permettent d'agir et de réagir en réseau. Comme membre d'une communauté virtuelle, l'usager ne veut pas seulement prendre ce que la bibliothèque lui fournit, il veut avoir les moyens et les outils pour ajouter ses propos, son contenu à la création de l'information et apporter sa contribution sur des plateformes collectives. Il veut le dialogue pour s'approprier des ressources et les réutiliser à sa manière. Avec la possibilité de prendre la parole sur l'internet, le citoyen impose ses limites au discours institutionnel.
Souvent au cours de ces dernières années, les bibliothécaires de l'UdeM ont eu à répondre aux demandes des usagers concernant l'implantation des outils du Web 2.0 dans les bibliothèques. Les outils existent alors qu'attendons nous, demandent les usagers? Les ressources et compétences sont là, mais comment s'en servir, demandent les autres? Les raisons sont multiples. Les universités québécoises utilisent toujours le système d'exploitation Microsoft et Internet Explorer. Les logiciels libres de la génération Open Office n'ont pas fait leur entrée encore sur la plateforme des bibliothèques de l'UdeM. Les barrières techniques ne sont pas levées pour permettre le partage et l'appropriation des ressources comme ailleurs. Les applications ne conversent pas encore entre elles. SFX est disponible sur les nouvelles acquisitions mais non sur le catlague ATRIUM. Par exemple, le système intégré de gestion de bibliothèeques (SIGB exploité par Advance) du catalogue ATRIUM n'offre pas la technologie basée sur les normes web qui permettraient des applications de type web 2.0 pour les communications entre les bases et les répertoires et entre le portails de l'usager et les modules de prêt. Un exemple: les notices d'Atrium ne sont pas indexées par Google ou Worldcat (comme ce qui sera le cas très bientôt pour les bibliothèques de McGill), les données du catalogues ou des bases ne peuvent pas s'enrichir réciproquement. Néanmoins, au-delà de l'aspect technique des problèmes de la quincaillerie comme on dit, les obstacles peuvent être d'un autre ordre aussi.
Changement de comportement et d'attitude
N'importe quel administrateur a vu venir le train. Il était annoncé depuis les années 2002 avec l'apparition des outils du web 2.0. Le problème majeur réside ailleurs. Si les circuits d'influence ont changé (de verticaux, ils sont devenus horizontaux et multidirectionnels), les mentalités résistent encore. Mais plus pour longtemps. En fait, il ne suffit pas comme certains le pensent de simple changement et d'évolution. On parle maintenant de Révolution car de plus en plus c'est l'usager qui est aux commandes en s'appropriant les moyens d'informer et de communiquer. Et les décideurs suivront. Par un de ces surprenants détours de l'histoire, la technologie, aujourd'hui nous offre ce que la génération des soixante huitards ont réclamé, c'est à dire les clés du pouvoir.
Que reste-t-il de nos amours?
Il y a quarante ans, un certain printemps de mai, des jeunes, rebelles sans cause disent encore certains, ont fait trembler l'autorité, ont vilipendé les interdictions (souvenez vous du fameux slogan «il est interdit d'interdire»). Ils ont remis en question les privilèges, ont réclamé la fin du confort et de l'indifférence et le pouvoir à tous. Parmi tous les slogans impertinents, mordants, incisifs, nés dans la douce folie de ce mouvement contestaire, les soixante huitards nous ont laissé celui-ci, mon préféré: « Ceux qui n'ont pas d'imagination ne peuvent imaginer ce qu'ils manquent».
Note: La BNF prépare une exposition des tracts, des affiches, des prhotographies de sloagans et de graffitis, des journaux, des dessins en regard des évènements de mai 68. L'exposition aura lieu à partir du mois de juillet et se tiendra jusqu'au mois de septembre. Conservées grâce aux bons soins et au professionnalisme des bibliothécaires qui ont eu la bonne idée de rassembler ces témoignages d'un moment historique, cette collection comprend plus de 15 000 documents. seront exposés au cours du mois de juillet à la BNF.
* Paru dans le Devoir du 30 avril dans la section Idées.
**Pour ceux qui suivent les chroniques mondaines de la «presse people», le président du groupe Publicis basé à Genève est jusqu'à tout récemment Richard Attis, le nouveau mari de l'ex première dame de la Répubique française, Cécilia.
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