jeudi 28 février 2008

Archives ouvertes : le début de la fin du monopole des éditeurs des revues scientifiques?

«Dorénavant, les bibliothécaires universitaires publient, traitent, organisent et diffusent la production savante des membres de la communauté.» Après plus de quelques décennies à faire la pluie et le beau temps, les éditeurs de revues savantes devront s'ajuster. Un précédent dans le monde universitaire: les professeurs de la Faculté des arts et sciences de la plus grande université du monde, Harvard, ont consenti par un vote unanime le 12 février dernier à céder d'office à l'université leurs productions scientifiques. Les articles et travaux produits dans le cadre de leur emploi seront déposés dans les archives ouvertes de l'université pour consultation gratuite et pour un but non lucratif. S'il demeure possible pour les professeurs qui le désirent de se soustraire à cet engagement par écrit selon la formule du «opting out», nul doute que cette tendance annoncée depuis des années va s'étendre. Certains éditeurs scientifiques comme le groupe Elsevier permettent maintenant que les chercheurs et les professeurs dont ils publient les articles déposent parallèlement leurs écrits sur leur site personnel et celui de l'institution où ils travaillent *. Ce mouvement de mutualisation des connaissances qui annonce, pour certains, le début de la fin des monopoles des éditeurs scientifiques implique aussi un élargissement du mandat des bibliothécaires universitaires qui devront s'impliquer davantage dans la diffusion et la mise en oeuvre du contenu produit par la communauté dans un contexte d'interopérabilité. Au Québec, les revues Documentation et Bibliothèques et Argus autorisent cette pratique sur Papyrus, le dépôt institutionnel de l'Université de Montréal.

Sources: Harvard Opts In to ‘Opt Out’ , Feb. 13, 2008
Advanced Technology Libraries, vol.37, n.3 «Harvard to collect, disseminate scholarly articles for faculty»

mercredi 27 février 2008

«Trop d’herbes folles gâtent le pré »

«Trop d’herbes folles gâtent le pré » (auteur inconnu)
L'opération d'élagage de la collection est en cours depuis l'été 2006 à la Bibliothèque de bibliothéconomie et des sciences de l'information. Est-il nécessaire de rappeler que des tablettes surchargées de documents désuets et poussiéreux nuisent non seulement à l’accessibilité des documents mais aussi à la qualité et à la mise en valeur des ressources? Une collection vivante et dynamique suppose une bonne sélection dans l'acquisition des nouveautés mais aussi un élagage régulier des ressources périmées afin d'assurer le développement harmonieux de l'ensemble. C'est pour toutes ces raisons que, depuis le début de l'année 2006, la bibliothèque de bibliothéconomie et des sciences de l’information a entrepris cet important exercice de revitalisation de la collection en procédant au « ménage des rayons ».

Les unités à éliminer sont sélectionnées par la responsable du développement de la collection. Un inventaire des ressources a permis d'identifier les documents qui sont détériorés ou dont les contenus sont dépassés et sans valeur historique. L'élagage ou le désherbage touche les doublons de plus d'une décennie et les publications comme les rapports annuels, les répertoires, les guides de bibliothèque, les manuels d’utilisation de bases de données ou de logiciels en format imprimé qui sont plus ou moins des documents considérés comme éphémères. Certains titres dont les thématiques évoluent très vite, comme en informatique, et dont l'utilisation et la pertinence ne sont plus validées par les statistiques de prêt seront aussi retirés de la collection.

L'élagage est un des volets de la politique de développement d'une collection et pourtant, faute de ressources ou de moyens, cette opération est trop souvent négligée. Il faut rappeler que l'élagage est une opération qui suppose une bonne connaissance du fonds, de son historique, de son évolution et d'une vision pour orienter son devenir. Tout cela requiert une solide expertise professionnelle alliée à une bonne connaissance du marché des ressources documentaires, numériques comme imprimées. Aucun élagage n'est parfait car chaque document retiré avait mérité sa place sur les rayons. Dans cette opération délicate, notons que la responsable peut aussi compter sur les avis du corps professoral.

Les rayons libérés de ressources peu utilisées ou dont le contenu est devenu désuet permettront à la bibliothèque de poursuivre le développement de sa collection selon les objectifs définis dans le cadre des politiques de développement de la collection afin répondre de façon efficace aux besoins d'enseignement et de recherche des usagers .

Nous vous rappelons que les critères de choix et d'élagage des ressources documentaires sont décrits dans : Les Politiques de choix, de développement et de gestion de la collection de la BBSI. Les versions sont mise à jour annuellement par la responsable. La version imprimée de 2004 de ce document est disponible à la réserve.

vendredi 22 février 2008

Zotero: un outil de gestion bibliographique de la nouvelle génération: Zotero

Zotero sera-t-il sur le point de remplacer EndNote comme outil de gestion bibliographique? Pas encore mais comme tous les outils de la génération du Web 2.0 son développement est fort rapide et pour ceux qui l'ont déjà testé, son point fort réside dans certaines fonctionnalités qui sont absentes avec EndNote, dont la possibilité de capter les ressources du Web.
Zotero est un produit développé par le Center for History and New Media rattaché au George Mason University . Il bénéficie des subventions de l' United States Institute of Museum and Library Services, de la Fondation Andrew W. Mellon et de la fondation Alfred P. Sloan .
Zotero est intégré à Firefox 2.0, cet outil est jeune encore -il en est à sa version 1.0 - mais s'annonce fort prometteur. Il est compatible avec les versions Netscape Navigator 9.0, Flock 0.9.1 et avec les systèmes de gestion Windows, Mac, ou Linux. Une fois installé sur votre ordinateur, il sauvegarde et récupère les références ou les notices des pages web dans plus de trente langues . La liste des sites compatibles est déjà impressionnante . On y trouve évidemment Amazon, Google, toutes les bases de données et les serveurs les plus utilisés et les connus dans tous les domaines comme ABI-Inform, SPIRES, Ingenta, etc, etc... (ici) et les OPAC et les catalogues des bibliothèques de la plupart des grandes universités américaines et canadiennes.
Comme tout autre outil de la génération du Web 2.0, Zotero stocke les fichiers PDF, les images, les liens et les pages web dans leur totalité. Il est intégré aux outils de bureautique de Microsoft . Les corrections, l'étiquetage ou les ajouts sont possibles. Son interface est aussi compatible avec un nombre croissant de logiciels et offre une large variété d'options d'importations et d'exportations de notices en lots .

Finalement, la cerise sur le gâteau: il est gratuit .

jeudi 7 février 2008

Un leadership inspirant: James H. Billington, le bibliothécaire du Congrès

Après 20 ans à la tête de la plus grande bibliothèque du monde, à l'âge où plusieurs profitent déjà depuis longtemps des douceurs de la farniente, le Dr. Billington continue encore d'inspirer ses collaborateurs et ses pairs et de susciter l'enthousiasme et l'adhésion de tous. Portrait d'un grand bibliothécaire et d' un humaniste.

Le savant, le professeur et l'homme d'action

Né à in Bryn Mawr en Pennsylvania, le 1er juin 1929, James H. Billington a reçu son éducation secondaire à la Lower Merion High School avant d'aller à l'université de Princeton où il reçut ses grades universitaires avec les plus grands honneurs en 1950, ce qui lui a valu la prestigieuse bourse Rhodes de l'université d'Oxford où il obtint son doctorat en histoire. Il fut officier de l'armée américaine puis travailla à Office of National Estimates, avant d’être nommé professeur d'histoire à l'université Harvard de 1957 à 1962 puis à l’université Princeton de 1964 à 1973.
De 1973 à 1987, Dr. Billington dirigea le Woodrow Wilson International Center for Scholars où il mit sur pied le Kennan Institute for Advanced Russian Studies ainsi que de nombreux programmes d'études et de recherches. Il a fondé aussi le périodique Wilson Quarterly (disponible en ligne dans les bibliothèques de l'UdeM).
Polyglotte, James H. Billington est un grand ami de la France dont il connait très bien la langue et la culture. Il fut d'ailleurs le premier récipiendaire de Prix Lafayette créé en 2007 par la French American Cultural Foundation, pour honorer ceux qui ont contribué, par leur action personnelle, «au développement de l’amitié entre les Etats-Unis et la France».
Spécialiste de la Russie, James H. Billington a contribué à la détente et la promotion des relations entre son pays et les pays du bloc communiste après l'éclatement de l'URSS. Il a fait partie de la délégation officielle du Congrès et a accompagné le président Reagan à Moscou pour le sommet des G8 en juin 1988. Il a fondé l'Open World Program, a présidé le Board of Trustees d' Open World Leadership Center, organisme mis sur pied pour promouvoir grâce à des programmes de visites et de séjour aux Etats-Unis des jeunes leaders russes et des pays émergents du bloc communiste la compréhension entre les nations. En Octobre 2004, après 25 ans de rupture de relations, il fut le premier Américain officiellement accueilli à Téhéran dans le cadre des échanges entre la Library of Congress et la Bibliothèque nationale d'Iran. Il a reçu plus de 40 doctorats honorifiques d'un peu partout dans le monde. La liste est trop longue pour être exhaustive, notons entres autres, que l'université Princeton l'a honoré avec le prix Woodrow Wilson Award en 1992, l'université de California avec l'UCLA Medal en 199 . Il a reçu la médaille Pouchkine de l'Association internationale des professeurs de langues et de littérature russes. Il est aussi membre étranger de l'Académie russe des Sciences, Chevalier et Commandant de l'ordre des Arts et des Lettres de France, reçu la croix Knight de l' Ordre de mérite de la République fédérale d'Allemagne. Sous l'égide de la loi Fulbright-Hays, James H. Billington est responsable des programmes d'échanges universitaires à travers le monde , il est membre de l'American Philosophical Society, l'American Academy ofArts and Sciences et siège au conseil d'administration du John F. Kennedy Center for the Performing Arts. Mais, malgré toute cette surcharge de travail, James H. G Bellington ne délaisserait pour rien au monde un de ses engagements les plus chers. En vertu des devoirs qui lui sont conférés par sa charge de bibliothécaire en chef du Congrès, c'est à lui que revient la tâche de désigner chaque année le meilleur poète américain !

L'administrateur, le bibliothécaire et le visionnaire

Dès les années 90, la bibliothèque a su optimiser l'usage des technologies de l'information pour réduire les coûts de structure et de fonctionnement. En deux décennies, la Bibliothèque du Congrès est passée de de $235.4 millions à un budget de $600.4 millions, de 4,983 employés à 3,683 employés et d'une collection de 85,9 millions d'unités à 135 millions d'unités. De quoi faire l'envie de beaucoup d'administrateurs. Sous sa gouverne, les ressources humaines sont sollicitées de façon à ce que les meilleurs éléments soient mis à contribution car James H. Billington croit à l'excellence.

Le leadership, c'est aussi la capacité de se projeter dans l'avenir. Des programmes sont mis en place dont l'Affirmative Action Intern Program qui a permis à un grand nombre d'employés de l'institution désireux d'améliorer leurs connaissances de suivre des formations pour accéder à des emplois plus rénumérateurs et plus intéressants. Pour dépister les meilleurs éléments et découvrir les nouveaux talents, James H. Billington a recours au financement privé pour créer le Leadership Development Program et le Junior Fellows Program. Les attentats terroristes du 11 septembre lui ont fait encore mieux prendre conscience de l'urgence de la préservation de l'immense héritage de la Bibliothèque du Congrès et ce volet va devenir une de ses priorités. À cet effet, grâce à son prestige, il a obtenu le plus grand soutien jamais accordé par les milieux privés à un projet de la LC dont 150 millions de dollars , qui ajoutés aux 82 millions du Congrès, ont permis la construction du Packard Campus for Audio-Visual Conservation à Culpeper.

Et le Web 2.0 aussi

Pour rendre universellement accessibles les ressources, James H. Billington a débuté dès le milieu des années 90 la numérisation de larges pans des collections de la Bibliothèque du Congrès. Dès 2000, la National Digital Library (NDL) a déjà rendu disponible sur le WEB plus de 5 millions de documents et à ce jour se sont ajoutés plus de 11 millions de documents déposés sur des portails destinés aux familles et aux enfants. James H. Bellington a dû composer avec les énormes problèmes et difficultés engendrés par les attentats terroristes du 11 septembre 2001 sans jamais déroger de la mission de la LC . L'accès libre aux ressources a toujours été maintenu au cours des mois suivants les évènements et la LC a continué à offrir ses services à la communauté, tout en mettant en place de nouvelles mesures pour renforcer la sécurité des biens et des personnes.

L'intelligence collective a été mise à contribution sous le leadership de James H. Billington et la LC n'a pas tardé à faire usage des nouvelles technologies pour étendre son rayonnement et rejoindre encore plus efficacement la population américaine. Avec les outils interactifs et collaboratifs de la génération P2P*, de plus en plus les collections de la LC vont vers l'usager qui peut s'en approprier à sa convenance. Sous le titre «le Congrès n'a pas peur du Web 2.0» Livres-Hebdo**, informe ses lecteurs que la vénérable bibliothèque, toujours à l'avant garde, a conclu un partenariat au début de l'année avec Flickr, filiale de Yahoo. Le site communautaire Flickr hébergera plus de 3000 photos libérées de droits d'auteur. Pour susciter l'esprit de partage de l'information et faire profiter à l'ensemble de la population du savoir collectif, la LC fait appel à la contribution de tous et de chacun pour commenter le contenu des collections patrimoniales grâce à l'indexation sociale. Les internautes pourront utiliser à leur gré ces ressources, les annoter (tagger), les indexer avec leurs propres termes ou les étiqueter selon leurs besoins.

Faire de la LC la plus grande institution du monde et « extraire le meilleur de chacun et de chaque chose » (to get the champagne out of the bottle) tel est l'objectif que cet érudit et homme d'action s'est assigné depuis son entrée en fonction à la barre de la Library of Congress. Promesse tenue, car sous sa gouverne, la LC aborde le nouveau millénaire en s' imposant indéniablement comme l'institution phare dans le monde en bibliothéconomie et en science de l'information. De l'avis de tous ceux qui l'ont connu ou travaillé avec lui, James H. Bellington est définitivement de «l'étoffe des héros» (The right stuff) , pour reprendreun autre titre de Tom Wilfe, l'auteur de the Bonfire of the Vanities.

Bibliographie: Mikhailovsky and Russian Populism (1956), The Icon and the Axe (1966), Fire in the Minds of Men (1980), Russia Transformed: Breakthrough to Hope, August 1991 (1992), The Face of Russia (1998) qui est à l'origine du documentaire télévisé du même nom produit par PBC et Russia in Search of Itself (2004).

*People to People

Sources: «Two decades of Achievement» LC Information Bulletin, vol. 66, n.10, october 2007, p .195-201

Livres-Hebdo, 1er février 2008, p.71